Divine Procrastination

Depuis la découverte de mes troubles bipolaires en Octobre dernier, j’ai œuvré depuis six mois à mettre en place une routine me permettant de mieux vivre.

Pas facile de comprendre que depuis 35 ans, mes hauts et mes bas ne sont pas des facettes de ma personnalité mais bien les conséquences d’une maladie mentale non diagnostiquée.

Comme un oignon, je me suis effeuillée : addiction après addiction, manie après manie. Je me suis observée pour mieux me vivre. Pour comprendre quels étaient les comportements à hauts risques déclenchant les crises. A base de méditation, d’arrêt d’alcool et de célibat choisi, j’ai peu à peu appris à faire baisser mes niveaux de dopamine pour finalement trouver un certain équilibre.

L’art de tout remettre au lendemain

Il y a pourtant un sujet que j’ai mis de côté. Sous couvert d’une vie en dent de scie, j’ai prétexté ne pas être capable d’une réussite professionnelle et financière. Je commence deux cent mille projets à la seconde, dont je me lasse tout aussi vite. Je ne vais pas au bout de mes idées et parfois même ne les investis jamais vraiment. La vérité c’est que je procrastine.

Pour ceux qui ne connaissent pas, la procrastination c’est l’art de tout remettre au lendemain. A commencer par cet article qui aurait dû être  sera écrit, corrigé, traduit et publié aujourd’hui pour aujourd’hui. 

Vous, qui m’observez de loin, sur les réseaux ou à travers mes évènements, avez tous cette image de la femme inclassable, inarrêtable que je suis. C’est vrai, je crée, j’invente, je conceptualise et fait aboutir mes visions. Mais pourtant je vis avec un partenaire encombrant qui me fait terriblement souffrir. La procrastination. Des pans entiers de ma vie sont remis au lendemain, enfin dans le meilleur des cas, car parfois je peux occulter certaines obligations pendant des semaines.

Encore aujourd’hui, je ne suis pas tout à fait capable de vous dire si mon projet est rentable, s’il peut faire l’objet d’un développement économique durable et stable. J’ai du mal à payer les factures, à mettre par écris ma vision, à planifier. Je vis dans le tourbillon de la création en évitant royalement de prendre la place de CEO.

Au moment même où je vous écris, je vis une bataille sans relâche pour rester assise à mon bureau, en face de mon ordinateur. D’ailleurs, depuis je suis passée dans mon lit. Et cet article sera certes publié en temps mais pas en heure.

Chaque mois c’est la même rengaine : TOUT sauf venir m’installer devant cette page blanche. Ce vide, cette opportunité, ce champ des possibles. Et puis mon corps qui vibre d’une énergie puissante, intenable, fatigante parfois.

Ne surtout pas quitter mon ordinateur. Rester assise et ne rien faire d’autre qu’écrire. Écrire le flow des mots qui passent dans ma tête. Dans ce PRESENT totalement conscient.

De quoi ai-je envie de discuter avec moi-même ? Avec vous ? Et en même temps, la liste de tout ce que je dois faire s’allonge : faire des courses pour mon évent de demain, nourrir mon fils, écrire un article pour le blog, travailler sur les évents à venir, faire la communication, les listes de courses, gérer la production, les résa pour le brunch, envoyer le SAFT à la compta, et tout ça sans jamais s’arrêter.

 

Normal me direz-vous ? Une journée classique, d’une semaine classique, d’un mois classique d’une année qui passe.

 

Est-ce pour cela que la semaine existe ? Parfois, je me dis que c’est pour nous aider à surmonter l’insurmontable. L’inexorable temps qui passe. Le travail qui ne s’arrête jamais. Ne pas céder aux tentations du tout, tout de suite et continuer à manifester nos rêves, à accueillir nos visions, à se créer une routine : méditation, sport, bien manger, nager, connexion avec la nature, avec l’eau. Prendre son temps. Ne pas se précipiter.

D’où vient la procrastination

Pourquoi tout remettre au lendemain ? Pourquoi toujours faire les choses à la dernière minute ? Pourquoi attendre de ne plus avoir le choix ?

Il y a beaucoup de facteurs qui explique pourquoi on procrastine : manque d’estime de soi, syndrome de l’imposteur, hyperactivité et trouble de l’attention, trouble anxieux, perfectionnisme, mauvaise gestion du temps.

Les procrastineurs sont des perfectionnistes mais aussi des rêveurs qui préfèrent le rêve de la réalisation à la réalisation elle-même. En ne terminant pas ce qu’ils ont commencé et, parfois, en ne commençant même pas, ils se mettent à l’abri de l’échec. Car l’échec est, à la fois, une confrontation avec les autres mais, surtout, une confrontation avec soi-même.

Écrire pourtant me fait du bien. Cette nouvelle routine me fait du bien.  Alors, je me demande pourquoi c’est si difficile. Pourquoi se faire du bien est plus difficile que se faire du mal ?

Pourquoi Pourquoi Pourquoi ?  

Parce que j’ai peur.

Peur de ma puissance. Peur de rater. Peur de ne pas être assez intéressante. Assez performante. Assez lu.

Et puis aussi j’ai l’impression que c’est la seule façon de faire. Faire monter l’adrénaline. Laisser mes idées s’infuser. Me donner l’espace pour penser, réfléchir. Observer. Me poser mille questions sur mille et un sujet. Et attendre la dernière minute pour coucher mes idées.

Et des idées j’en ai des MILLIONS. L’inspiration me vient plutôt facilement et beaucoup de sujet m’intéressent. C’est d’ailleurs ce qui explique cet éparpillement constant. Mais je suis constamment rappelé par ce syndrome de l’imposteur.

Cette petite voix dans ma tête qui me dit que ce que j’écris n’est pas correcte, pas intéressant, confus. Bref, jamais assez.  

C’est drôle pour une fille à qui on a répété qu’elle était toujours TROP.

 

Trouver le juste équilibre entre rêverie et accomplissement

Le problème c’est qu’à ne rien planifier en avance, je gère ma vie au jour le jour. C’est comme si tous les jours je testais ma capacité à relever un nouveau défi : cuisiner pour 15 personnes en 2h, produire un énorme évènement en 3 jours. Écrire un article, une newsletter et un devis à 22h. Cumuler les nouvelles routines, jusqu’à ne plus en avoir une seule de vraiment opérationnelle. Et tout finit par revêtir un caractère d’urgence.

 

Le point positif c’est que j’ai démontré que j’étais capable. J’ai des ressources précieuses et inestimables à l’intérieur de moi. J’ai fait grandir ma confiance en moi. Mais comme un zébulon en mouvance constante, je passe d’une idée à une autre, d’une tache à une autre. Soyons honnête, je m’épuise. Et je me stresse. Inévitablement, cela augmente la production de cortisol. Hormone machiavélique favorisant l’apparition de la phase maniaque. C’est l’histoire sans fin du serpent qui se bouffe la queue.

 

Mais voila, si pendant les deux années qui viennent de s’écouler j’ai été heureuse d’apprendre, de découvrir le fonctionnement d’un restaurant, de vivre au gré des expériences, de mener à bien ce projet, aujourd’hui, je désire plus. Plus de flow. Plus d’organisation et surtout la liberté d’exprimer ma puissance.

 

Et si finalement, procrastiner c’était surtout ralentir. Go Slow. Apprendre à apprécier la vie et ce qu’elle offre de plus merveilleux. En remettant les choses au lendemain, on stoppe l’engrenage dans lequel on semble prisonnier, on souffle, bref, on vit et on apprécie les petites choses du quotidien : prendre un bain, rêver, profiter du soleil.  

 

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